ROMAN A

BRANCHE :  A23.3
 "Antoine et le flacon de la fille brune"

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Sitôt la porte poussée, une fille au longs cheveux bruns lui saute au cou, l'entraîne par la porte de droite et lui montre le lit. "Décidemment la chance a bien tourné" se dit-il en s'allongeant sur le dos.
Contre toute attente, la fille ne vient pas le rejoindre sur le lit. Elle reste figée dans l'embrasure de la porte, le regard étrangement vide, très dérangeant.
Il avait espéré il ne sait trop quoi. Une nuit d'amour torride, sans doute.
Antoine était fatigué mais l'occasion de faire l'amour à une parfaite inconnue qui vous saute au cou n'est pas de celle que l'on laisse passer lorsque l'on est un homme digne de ce nom.
Et cette fille qui ne semblait pas si disposée que cela à faire l'amour. Non, vraiment, c'était dérangeant. Avait-il pu se méprendre dans ses intentions ?
Normalement, qu'une fille vous saute au cou comme celle-ci l'avait fait est significatif. Antoine était assez perplexe. Il était aussi assez fatigué.
S'il n'était plus question, il aimerait pouvoir dormir. Il n'aurait pas besoin de compter les moutons. Il n'aurait pas besoin que l'on l'en lui dessine.
Seulement, la fille l'intrigait et lui interdisait de se laisser aller complètement à sa fatigue.
Il se redressa sur ses coudes et fixa la fille toujours parfaitement immobile, totalement muette, le regard inexpressif. Il se présenta.
"Moi, c'est Antoine. Comment t'appelles-tu ?"
Silence.
"Bon, se dit-il, c'est une cinglée. Faut pas chercher à comprendre".
Il sortit une Camel de son paquet et chercha son briquet dans les poches de son pantalon de toile beige. Il alluma la cigarette, inspira profondément la fumée et la souffla lentement.
"Qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi tu restes comme ça ?".
Silence. Silence embarrassant.
"Tu me comprends ? Tu parles français ?".
Toujours rien.
Il fit sauter sa chaussure gauche du bout de sa chaussure droite et se débarrassa de sa chaussure droite de son gros orteil gauche. Les chaussures churent au sol de planches brutes dans deux bruits sourds. La fille ne sursauta pas. Son regard perdu ne cilla pas.
Antoine avait bien observé. Il jeta le mégot à même le sol et déboucla sa ceinture pour se mettre plus à l'aise. Il ne quittait pas la fille du regard. Elle commençait à l'agacer.
Il la détailla plus attentivement.
Elle n'était pas vraiment belle, finalement. Les longs cheveux faisaient illusion mais ils ne cachaient pas le visage aux traits sévères et marqués. L'ample tunique bleue à festons dorés laissait entrevoir une taille basse et un peu large. Les mains étaient un rien trop potelées. Et ce visage sans sourire, ces yeux sans émotion. Non, elle n'était pas belle. Il n'y avait donc pas de raison pour qu'il la ménage. Son envie de baiser avait disparu. Il se mit en position assise et l'invectiva.
"Qu'est-ce que tu veux ? Tu vas rester là toute la nuit à me regarder ? Casse-toi ! Laisse moi roupiller. Je suis crevé.".
Toujours pas de réaction.
"OK, OK. Ecoute, tu sais ce que je vais faire ? Je vais éteindre la lumière et je vais piquer un petit somme. Tu peux rester debout dans le noir si tu veux."
Et là, Antoine chercha un interrupteur. Il ne le trouva pas et leva les yeux au plafond avec l'espoir de trouver la trace d'un câble électrique conduisant de l'ampoule vers un interrupteur. Pas d'ampoule. La lumière venait bien du plafond, pourtant. Un plafond lumineux mais un plafond pourtant qui respirait la banalité coutumière d'un plafond en vulgaire plâtre.
Mystère.
Antoine se leva, resserra sa ceinture, glissa les pieds dans les chaussures et se dirigea vers la porte. Il venait d'en avoir sa claque de cette comédie. Il allait tenter de retrouver son Cessna. Il avait des couvertures, il avait une radio de bord. Il dormirait à la belle étoile et aviserait demain matin. Il se dirigea devant la fille en ayant bien l'intention de sortir de là au plus vite.
Alors qu'il arrivait à son niveau, une main ferme se posa sur son torse.
On l'empêchait de sortir.
Il tenta de balayer le bras de sa main mais il ressentit une résistance qu'il n'avait pas envisagée. Il empoigna le poignet de la fille et exerça une pression plus importante sans succès. Il n'avait pas imaginé cette force.
Il recula, la fille baissa le bras.

Par Michel

3 possibilités
1) Epuisé, Antoine se couche et parvient à dormir quelques heures. A son réveil, la fille n'est plus là. (arielle)
2) Epuisé, Antoine décide toutefois de ne pas dormir. Au petit matin, la fille s'en va. Il se lève et sort de la maison. La fille n'est plus là.
3) Environ une heure plus tard, un homme apparaît et lui tend un flacon. ( shanti )

Environ une heure plus tard, un homme apparaît et lui tend un flacon.
Surprise et soulagement, la femme inquiétante s'était volatilisée.
Tel est le terme exact de ce qui s'était réellement passé. Entre deux clignements d'œil, elle n'était plus là.
Il ne l'avait pas vue sortir, pas vu se déplacer, il restait juste un vide à la place qu'elle occupait.
Tentant de se remettre de sa surprise, il avait vu se matérialiser presque instantanément cet homme qui désormais lui faisait face. L'homme n'avait pas l'air hostile, il se contentait de lui proposer à boire. Antoine saisit le flacon, opina en signe de remerciement, et but.
Qu'était-ce donc que ce breuvage ? De prime abord, cela ressemblait à de l'eau. Incolore, inodore, sans saveur particulière. Mais une fois qu'il eut avalé une bonne gorgée, il douta de son jugement.
Il y avait en arrière goût, une saveur épicée, quelque chose qu'il ne connaissait pas. C'était à la fois agréable et déplaisant. Il leva un œil interrogateur vers l'homme. Mais celui-ci tout comme la femme précédemment, s'était volatilisé.
Lui parvint alors une voix. Une voix douce, calme, patiente. Une voix de femme bienveillante. Elle commença par se présenter : "Je m'appelle Ahila" puis continua sur le même ton.

Antoine s'était allongé. Il écoutait cette histoire contée par cette voix de femme. Il se laissait prendre par elle. Il sentait que son corps flottait, qu'il était dans l'histoire. Elle lui conta l'histoire de son peuple "Les Vivants". Elle lui conta sa vie.
Son peuple était constitué d'hommes, de femmes et d'enfants beaux et souriants. Son peuple existait depuis des millénaires, et était resté "invisible" à la face du monde durant tout ce temps.
Ils se nourrissaient de fruits issus de vergers qu'ils entretenaient avec amour. L'eau dont ils s'abreuvaient était extraite de nappes phréatiques alentour. Cette eau, celle dont avait bu Antoine, était bien particulière.
Ce peuple était actuellement en grand danger. Il était possible qu'il disparaisse à tout jamais si Elle ne trouvait pas son Autre. Elle était la "Passeuse", la "Faiseuse", la "Mémoire". Son rôle était essentiel dans la communauté.
Auparavant, une autre femme l'avait précédée, Amman. Elle était partie, s'était dissoute dans son corps à elle, Ahila.
Ahila ne pouvait continuer d'exister seule, il était nécessaire qu'elle soit accompagnée d'un Autre. Cet Autre devait être un homme qui aurait les qualités requises. Il ne pouvait être issu de la tribu. Il devait venir de l'extérieur.
Ahila avait par le passé tenté d'attirer l'attention d'hommes de passage. D'hommes perdus, à qui elle avait laissé la possibilité de voir le village, qui d'ordinaire était voilé d'une brume impénétrable. Pour ces hommes elle s'était composé un aspect attrayant. Elle était belle. Elle pouvait l'être, tout comme elle pouvait paraître vilaine, ou vieille ou très jeune. Elle avait ce pouvoir de se composer une image au gré de ses besoins.
Pour ces hommes donc, elle s'était présentée sous les traits d'une belle femme. Ces derniers avaient succombé. Elle avait perçu en eux leur bonté et s'était imaginé qu'elle pourrait les guider afin qu'ils développent leurs qualités de sagesse. Mais elle s'était trompée, et avait compris que ce type d'homme ne souhaitait que le plaisir et rien d'autre.
Devant Antoine, elle n'avait pas renouvelé la même erreur, sentant que cet homme possédait une réflexion dont les autres étaient dépourvus, elle n'avait pas perdu son temps en coquetterie, mais avait préféré qu'il fasse l'expérience de sa force.
Quinze longues années s'étaient déjà écoulées depuis la disparition d'Amman, et le temps imparti pour qu'elle trouva son Autre, touchait à sa fin.

Par Shanti

3 possibilités
1) Antoine comprit tout à coup, que cet Autre, tant espéré pouvait bien être lui. Pris de panique, il s'apprêtait à se lever pour s'enfuir. ( Michel 23.1)
2) Ahila, fait confiance à Antoine. Elle le laisse se remettre de tout ce qu'il vient d'entendre. Et le laisse choisir.
3) Un bruit fait sursauter Antoine, le flacon qu'il tenait encore en main, vient de se briser au sol, le tirant d'une rêverie bien étrange. (Sax 23.3 )
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Un bruit fait sursauter Antoine, le flacon qu'il tenait encore main, vient de se briser au sol, le tirant d'une rêverie bien étrange.

L'arrière-goût inconnu devient une puissante odeur qu'il reconnaît sans problème
Haschich.
On lui a fait boire du haschich, pas étonnant qu'il ait eu des hallucinations visuelles et sonores. Maintenant il est malade.
Il se précipite sur la carafe d'eau, et en boit une bonne moitié. Il est encore plus malade. Heureusement, depuis qu'il est entré dans le village, il n'a rien mangé, et maintenant les fruits de la coupe ne lui font plus du tout envie.
D'ailleurs, même s'il n'était pas malade, ils ne lui feraient aucune envie. Les raisins sont tout flétris, les poires blettes et les bananes noires.
Pourtant hier soir, tous ces fruits étaient superbes, mais les évènements ont été trop vite pour qu'il puisse en profiter.
À cet instant, la femme brune et l'homme entrent dans la maison. C'est l'homme qui prend la parole d'une voix douce.
"Étranger, sois le bienvenu dans le village. Tu as subi avec succès la première épreuve, maintenant nous sommes sûrs que tu as des intentions pacifiques".
"Tu n'as pas usé de violence et n'es pas entré en colère alors qu'une femme t'empêchait de sortir."
"Nous t'avons observé pendant que tu recevais l'histoire du village, puis pendant ton sommeil. Ton esprit est en paix."
"Bois de ce flacon, il contient de quoi te remettre sur pied. Ce soir le village offre un banquet en ton honneur et demain tu subiras ta deuxième épreuve. Rassure toi, nous ne t'infligerons aucun souffrance."
Antoine boit du flacon proposé et se sent tout de suite mieux.
"Pourquoi toutes ces épreuves ? Tout ce que je souhaite c'est réparer mon avion et rentrer chez moi."
"Nous le savons bien et nous ne t'empêcherons pas de partir lorsque tu le souhaiteras."
"Mais l'histoire que tu as reçue pendant que tu étais sous influence de la drogue est vraie. Ahila doit absolument s'unir à un étranger pour conserver son pouvoir et protéger notre village, et doit avoir un enfant de cet étranger."
"Nous te ferons la vie agréable pendant tout le temps que tu passeras parmi nous."
"Mais ma famille va s'inquiéter, des recherches sont peut-être déjà en cours, j'ai passé un appel radio qui a dû permettre de me localiser."
"Ne t'inquiète pas pour ça. Ici, nous vivons hors du temps. Lorsque tu voudras partir nous te conduirons à la Porte, tu retrouveras le monde à l'instant exact où tu l'as quitté."
"Nous te laissons maintenant te reposer et viendrons te chercher pour le banquet."

sax

3 possibilités

1) Antoine a bien envie d'accepter, après tout Ahila a un certain charme, et au moins elle n'est pas bavarde.
2) Antoine n'est pas tenté du tout. Il demandera à partir juste après le banquet. (shanti)
3) Sitôt qu'ils sont sortis, une sirène retentit et des haut-parleurs annoncent "Alerte générale, deux étrangers lourdement armés viennent de pénétrer dans le village".

Il s'allonge sur sa couche. Vrai qu'il est un peu dégrisé et se sent presque en forme.
En attendant le banquet promis, une bonne douche est le seul remède susceptible de lui remettre les idées en place. Il se lève et se dirige vers une pièce qui semble être une salle d'eau. Une énorme coquille en albâtre tient lieu de baignoire, elle est pleine d'une eau claire et bleutée. Antoine se dévêt. Il se laisse glisser dans le bain et parvient à se détendre, la température est juste comme il faut.
Au bout d'une petite heure il en ressort calme et serein. Instantanément son corps sèche au contact de l'air. « Pratique » se dit-il. Il retourne dans la chambre, sur le lit quelqu'un a déposé une tunique. Une longue pièce d'un tissu extrêmement léger de couleur ocre, qui pourrait être de la batiste.
Au pied du lit une paire de sandales de cuir brun. Il les enfile.
Il se sent bien, détendu.
Sur le seuil de la porte apparaît une jeune femme, une longue robe orne son corps gracile, tel un voilage, son vêtement semble flotter dans une brise. La couleur est indéfinissable, dans notre langage humain, nous aurions pu dire qu'elle est couleur du temps.
Elle fait signe à Antoine de la suivre. Ils traversent ce qui semble être une cour et parviennent dans une prairie. Il fait nuit, mais la pleine lune éclaire le ciel.
Des tables sont dressées en « fer à cheval » recouvertes de nappes faites d'une étoffe légère qui a le pouvoir de refléter le ciel étoilé. A intervalles réguliers sont disposées des corolles de fleurs dans lesquelles brûle une flamme. Ces fleurs sont forgées dans un métal inconnu d'Antoine, l'Ithildin autrement nommé l'Etoile-Lune. Sous la lune et les étoiles elles brillent d'une lumière argentée.
Autour de la table, des sièges ciselés en acier stellaire ont une teinte grise.
Antoine n'en croit pas ses yeux. Il est brusquement projeté dans un monde parallèle. Un monde dont il ne connait rien.
L'homme qu'il a rencontré plus tôt s'approche et lui désigne un siège, il s'assied ; Ahila se place à sa droite, l'homme à sa gauche. Les autres sièges sont occupés par autant de femmes que d'hommes, une vingtaine au total. Ils sont tous pourvus d'une longue chevelure brune, une peau claire, des yeux bleus tirant sur le violet, leur silhouette est gracieuse et leurs gestes souples, et ce qui semble le plus étonnant est qu'ils semblent tous avoir le même âge, vingt-cinq ans tout au plus. Malgré leur jeunesse une sagesse émane de leurs êtres.
Antoine est quelque peu intimidé, il se sent tout à coup lourd et disgracieux.
Des femmes déposent sur les tables des plats garnis de mets variés et colorés. Ce sont essentiellement des fruits et quelques légumes d'une diversité époustouflante : ananas, goyave, raisin, figues de barbarie, grenade, fruit de l'arbre à pain, noix de cajou, mais aussi compote de dattes, sorbet de kiwano, crème d'avocats, lassi de bananes, chutney à la mangue, curry de légumes. Des galettes de mil tiennent lieu de pain, et des carafes d'eau claire sont là pour les désaltérer.
C'est un véritable festin auquel s'adonnent Antoine et ses hôtes. Pas une parole n'est prononcée, seule une musique cristalline issue de flûtes d'argent trouble le silence de cette tiède nuit.
Le dîner touche à sa fin, l'homme prend alors la parole :
« Antoine, tu es le bienvenue parmi nous et en signe d'amitié permets que nous t'offrions ceci »
Il tire alors de sa poche un écrin d'un travail somptueux composé d'entrelacs en platine, l'ouvre et en extrait un anneau brillant de mille feux. Antoine s'apprête à refuser ce majestueux cadeau, mais déjà Ahila pose une main sur sa bouche, extrait l'anneau de l'écrin et lui passe au doigt.
Antoine remarque alors que la main gauche d'Ahila est ornée d'un anneau identique.
Déjà la magie opère, il sent sa volonté lui échapper.


shanti-3 Possibilités :

1) Antoine se dit qu'il aurait dû se méfier de ces mets si appétissants, sans doute quelques herbes hallucinogènes y étaient glissées. Maintenant, il lui faut faire face. Mais il ne peut s'empêcher d'éclater d'un rire sonore qui a pour effet de surprendre ses hôtes. Secoué de hoquets, l'anneau finit par quitter son doigt.
2) Euphorique, Antoine embrasse à pleine bouche sa compagne, puis se met en devoir d'embrasser chacun de ses hôtes. Mais Adûnakhôr, le seigneur de l'Ouest, ne l'entend pas ainsi et tire sa mortelle épée Anfauglith (poussière d'agonie).
3) Antoine est totalement sous le charme de l'anneau et de sa belle compagne, ensemble ils se tournent vers l'homme. Ce dernier le revêt d'une armure et d'un heaume, il doit, pour prouver sa bravoure aller combattre le monstre qui hante la cité et retient prisonnier le roi des elfes et qui est également la cause de sa panne dans le désert. (michel A23.3.2.3 )

 
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Antoine est totalement sous le charme de l'anneau et de sa belle compagne, ensemble ils se tournent vers l'homme. Ce dernier le revêt d'une armure et d'un heaume, il doit, pour prouver sa bravoure aller combattre le monstre qui hante la cité et retient prisonnier le roi des elfes et qui est également la cause de sa panne dans le désert.

La fraîcheur gagne sur la tiédeur au fur et à mesure que la nuit avance. Sous la musique des flûtes d'argent et des tambourins, Antoine continue à se préparer pour aller combattre le monstre de la cité lointaine et libérer le roi des elfes. Après l'armure et le heaume, on lui a apporté un solide sabre et un poignard à la lame épaisse. Deux hommes vont l'accompagner dans sa dangereuse mission. L'heure du départ est proche. On a seller des tamanoirs que l'on a lesté de provisions d'eau et de nourriture. Tout le village est en cercle autour des hommes qui fignolent les préparatifs et Ahila s'approche de son héros pour déposer un baiser sur sa bouche. L'heure est aux adieux. Il faut partir avant l'apparition de l'aube.

Antoine n'a encore jamais de sa vie voyagé à dos de tamanoir. Il ne connaît pas ces animaux et s'attend à une allure pataude et nonchalante. Ainsi ne prend-il pas suffisamment la peine de bien contrôler son assise et éperonne-t-il un peu trop vigoureusement les flancs de sa monture qui se cabre avec énergie et fait chuter le chevalier qui se relève perplexe en époussetant le sable de son armure. Il remet son heaume en place, récupère sabre et poignard et, avec un petit sourire gêné, en s'excusant, remonte sur son tamanoir qui le regarde d'un œil noir sous les regards inquiets et perplexe de la population qui est en train de se demander si elle a fait un bon choix en voyant en Antoine son sauveur. La musique s'est tue et dans les rangs muets on essaie de croire encore en la capacité de l'aviateur venu du ciel à venir à bout du terrible monstre qu'il aura prochainement à combattre. L'incrédulité et le doute génèrent une vague odeur légèrement âcre qui dit la peur et la confiance en berne.

Cette fois-ci, Antoine y va avec circonspection et incite son tamanoir à avancer en flattant délicatement son flanc d'une tape hésitante. Le tamanoir baisse la tête en signe d'acquiescement, se ramasse sur lui même, courbe l'échine et frétille de l'arrière train avant de bondir dans les airs. Antoine ne s'attendait pas à ce que son tamanoir s'envole et il serre les cuisses dans la masse de la profonde fourrure pour conserver un semblant d'équilibre. Légèrement penché en avant, les bras qui frappent l'air de la nuit en moulinets désespérés, les yeux qui jettent des appels de détresse, Antoine croit sa fin proche. Il ose un instant regarder vers le bas et déjà le village ne lui apparaît plus que comme un ensemble de petits points lumineux vacillants qui sont les torches brandies par le peuple de Ahila. Il se retourne et est soulagé de voir ses deux compagnons qui le suivent avec aisance, se payant le luxe de faire des figures d'acrobatie aérienne. L'un d'eux s'approche de Antoine et lui enseigne avec force gestes le meilleur moyen de tirer parti des ressources insoupçonnées de ces montures. En quelques minutes, Antoine est déjà plus rassuré. Il a compris que le pilotage du tamanoir devait s'exercer avec la plus circonspecte des finesses et douceurs. Une légère pression de la pointe du pied pour virer, un léger déplacement des fesses vers l'arrière pour grimper, une subtile inclinaison vers l'avant pour accélérer. Il ne se sent cependant pas encore fin prêt pour expérimenter la voltige aérienne et les loopings seront pour plus tard.

Deux jours et trois nuits, les trois hommes et les trois tamanoirs volent sans jamais se poser au sol et, un matin, Antoine peut voir un paysage qui n'a plus rien du désert qui était survolé jusque là. Derrière une mince chaîne montagneuse aux sommets comme des aiguilles acérées blanchies de neiges éternelles, un panorama fait de forêts denses et aux multiples teintes de vert, de lacs et de rivières coulant en traçant de larges arabesques se dévoile sous ses yeux. Un paysage tout bonnement fascinant. Les trois guerriers descendent de quelques centaines de mètres et volent à vive allure presque à hauteur de canopée, en compagnie d'oiseaux colorés et curieux qui virevoltent d'étonnement autour d'eux en leur souhaitant la bienvenue de leurs chants enjoués. Antoine a le sourire. Ce qu'il a sous les yeux lui retire tout à fait les craintes qu'il nourrissait depuis son départ. Il s'attendait à des paysages désolés et noirs d'avoir trop longtemps brûlé, de montagnes calcinées et de gouffres profonds et insalubres, d'animaux hostiles et de monstres cruels et avides de sang et le voilà survolant un paradis enjôleur. Il va pour dire son bonheur à ses compagnons de route et se retourne vers eux. Il voit là où il attendait des sourires béats des mines sévères et inquiètes, il sent de la crispation et de la tension là où il ne propose que détente et relâchement. Il ne comprend pas et fait part de cette incompréhension aux deux guerriers qui, les dents serrées et la sueur au front lui expliquent que l'anneau a le pouvoir magique de distordre la réalité au point de donner l'apparence du merveilleux à l'horrible indicible.

Antoine hésite, pose les yeux sur l'annulaire qui porte l'anneau, hésite encore et d'un geste rapide l'enlève. Il ne peut refréner un puissant cri d'horreur venu du plus profond de sa gorge. Ce qu'il a sous les yeux est une abomination sans égale, une monstruosité sans nom, une laideur absolue. Il a soudainement envie de vomir. Il sent son échine se glacer sous la cascade de sueur qui s'est mise à couler. Il se retourne vers ses compagnons et ne comprend pas tout de suite. Il doit baisser son regard vers sa monture pour se persuader qu'en fait de tamanoir volant, il est assis sur un dromadaire puant et galeux. Son regard affolé court en tous sens et les oiseaux de couleurs ne sont plus que d'affreux insectes piquants et suceurs de sang, les vertes forêts une maigre savane pelée, les lacs des mares infectes et puantes, les rivières ondulantes des rigoles dont émanent des gaz pestilentiels. Le sol poussiéreux est hérissé de cailloux coupants et pointus et les dromadaires ont de la difficulté à progresser. Dans le lointain, à quelques kilomètres, se dresse la cité de destination au haut d'un monticule aride. Antoine sent une boule de serrer dans sa gorge et il repasse son doigt dans l'anneau. Il se sent mieux mais, tout de même, maintenant, il sait.

Une belle musique joyeuse parvient aux oreilles de Antoine alors que les portes de la cité ne sont pas encore visibles. Antoine sait maintenant que cette musique n'est sans doute rien d'autres que les grognements atroces du monstre qu'il est venu combattre. La puissance de cette musique, de ces cris, entendue à pareil éloignement en disent long sur ce qu'il va falloir combattre avec ce sabre ridicule et ce poignard minuscule. Antoine se demande encore pourquoi et comment il a pu accepter pareille mission périlleuse et sans doute perdue d'avance. Les deux guerriers suivent Antoine en laissant de plus en plus d'avance au héros et en montrant de moins en moins d'entrain à aller combattre. Le trio s'arrête bientôt au bas des fortifications. Un petit raidillon mène à la porte principale. Pour mieux se rendre compte de la situation, Antoine ôte l'anneau. De chaque côté du chemin, des potences portent des pendus décharnés auxquels s'attaquent des nuées de corvidés criards aux plumes engluées de graisse et de sans poisseux. Les murs de la citadelle sont noirs de suie et les douves sont remplies à ras bord d'un liquide bouillonnant qui laisse échapper fumeroles nauséabondes et vapeurs corrosives. La grande porte de bois est fermée.

Antoine se tourne vers ses guerriers pour demander conseil. Les deux hommes haussent les épaules en signe d'impuissance et d'ignorance. Ils semblent lui dire de faire pour le mieux mais ils prennent bien garde de trop s'approcher de la porte. Ils sont restés en bas de la pente d'accès et tout donne à penser qu'ils sont disposés à fuir à toute vitesse dès que les événements le recommanderont. Antoine hésite beaucoup mais il finit par faire baraquer son dromadaire et à mettre pied à terre. Les minces sandales parviennent mal à protéger ses pieds de la poussière brûlante qui couvre le sol. Antoine s'approche avec la plus extrême prudence de la porte et commence l'inspection jusqu'à ce qu'il trouve une petite chaînette dorée terminée d'une poignée de bois délicatement ouvragé. Il tire sur la chaînette et un carillon subtil se fait entendre de derrière l'épaisseur du bois de la porte. Antoine recule de quelques pas et attend.

A peine une minute s'est écoulée lorsque le bruit d'une clé tripatouillant les entrailles d'une serrure se fait entendre. Antoine recule encore de quelques pas. Les deux guerriers pensent à un repli stratégique de la part de leur chef et commencent à opérer un demi-tour un peu précipité. Antoine leur jette un œil plein de courroux. Dans un très léger grincement, la porte s'ouvre. Pas en grand, non. Juste ce qu'il faut pour laisser passer un homme. Rien de plus. Le problème, c'est qu'il ne se passe rien de plus. Antoine s'attendait soit à être réduit en un petit tas de cendres fumantes, soit à être accueilli par un cerbère qui, au moins, lui aurait demandé l'objet de sa visite matinale. Mais là, non, rien. Juste cette porte qui s'ouvre un peu comme une invitation pas trop sincère à entrer. Il y a matière à hésiter, reconnaissez-le. Les deux guerriers qui se sont encore un peu éloignés font signe d'entrer à Antoine en montrant une sorte d'agacement face à l'hésitation froussarde de leur maître, le sauveur du roi des elfes.

Vite, Antoine passe la tête par l'ouverture pour jeter un coup d'œil. Il passe la tête encore une fois, regarde un peu plus longuement et finit par pousser la porte plus largement. Il prend le risque d'avancer le torse puis une jambe puis de faire un pas. Il est à présent dans la place et, mais il fallait s'y attendre, la porte se referme avec fracas derrière lui. En s'entrechoquant, les dents et les genoux d'Antoine produisent une forme musicale et rythmique assez intéressante mais ils indiquent avant tout que la peur est en train de gagner la partie. Tenant le sabre à deux mains devant lui, Antoine est prêt à défendre chèrement sa peau. Contre toute attente, le danger ne lui saute pas à la gorge. Tout est même trop calme. Il aurait presque envie que le combat commence rapidement quitte à ce que son issue ne lui soit pas favorable, qu'on en termine une fois pour toute, Antoine.

De la petite place qui s'ouvre sur la porte principale de la cité partent trois ruelles dont une semble partir vers le centre de l'enceinte fortifiée et vers la tour grisâtre qui surplombe tout. Les portes et fenêtres de toutes les petites maisons sont closes et Antoine ne voit et n'entend aucun signe de vie lors de l'ascension vers la tour. A mi chemin, il se retourne pour constater que ses deux courageux compagnons se sont encore éloignés et qu'ils ont amené avec eux son dromadaire. Il a alors la certitude qu'il va devoir mener le combat seul. Il s'y est résigné et reprend la grimpette.

Arrivé au bas de la tour, il avise un panonceau de bois scellé dans le mur juste à hauteur d'œil à côté de la porte. Il ne parvient pas à lire ce qui est écrit dans une langue qu'il ne connaît pas et tire la chevillette qui fait choir la bobinette. La porte s'ouvre sur un escalier en colimaçon. Il commence à gravir les marches usées et glissantes en se plaquant contre le mur et en brandissant son sabre, préparé à parer une attaque du monstre.

Soudain, le cri horrible qu'il entend comme une douce mélopée à cause de l'anneau surgit de nouveau. Le front perlé de sueur, il continue de monter l'escalier. Le son vient de plus haut, de bien plus haut. Il monte. Il lui faut presque une heure (mais il n'a pas de montre) pour atteindre enfin une porte derrière laquelle, le cri déchirant en fait foi, se tapit le monstre qu'il doit combattre. Il se met en position, prend de l'élan et fonce épaule baissée contre la porte. En dépit de ses craintes, l'ouverture n'offre aucune résistance particulière et c'est à toute vitesse et en manquant de se casser la figure que Antoine fait une entrée fracassante dans la pièce. Il pivote sur un pied, manque s'affaler, retrouve son équilibre, brandit le sabre et voit enfin le monstre retranché dans un coin de la pièce ronde, la gueule grande ouverte qui laisse surgir un cri déchirant. Antoine constate à cet instant que l'anneau a glissé de son doigt dans la précipitation. Ce qu'il a sous les yeux est encore plus affreux que ce qu'il n'avait jamais pu imaginer. Un être difforme et immense, obèse et couvert de pustules purulents, qui laisse échapper un torrent de bave d'une bouche ouverte et partiellement édentée laissant échapper le plus déchirant des cris jamais entendu dans toute la création.

Antoine assure la prise du sabre de ses deux mains et fonce en lâchant un cri de guerre droit en direction du cœur du monstre qui n'a que le temps de tenter de repousser la lame de ses mains. Le sabre s'enfonce jusqu'à la garde dans le corps du monstre qui s'affale dans un râle de supplicié avant d'agoniser en se tordant de douleur. Antoine recule et il n'en croit pas ses yeux. Il vient de vaincre le monstre ! Un sourire compulsif lui vient au visage. Il se frotte les mains comme pour se dire que le travail est fait. Déjà, il se prépare à redescendre l'escalier et à rejoindre les lâches compagnons au delà des murs de la citadelle lorsque le sol et les murs se mettent à trembler, d'abord presque insensiblement puis de plus en plus fortement. Il entend de lourds pas monter l'escalier de pierre, il va pour s'emparer de son sabre toujours fiché dans le corps du monstre lorsqu'un être inimaginable apparaît dans l'encadrement de la porte et la bloque toute tant sa taille est gigantesque. Alors, une voix caverneuse et éraillée s'adresse à lui en ces termes :

— Pourquoi as-tu tué le roi des elfes ? Tu as tué mon pire ennemi et les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Descendons fêter notre rencontre autour d'un festin digne de toi et de ton geste de bravoure !

michel

Trois propositions :

1) Avant de descendre, Antoine retrouve son anneau magique. Il le glisse à son doigt et se retrouve réduit à une taille liliputienne.
2) En récupérant son anneau et en le passant à son doigt, Antoine comprend la méprise. Le roi des elfes, mort, est bien beau comme un elfe. Il regrette sa méprise et descend derrière le monstre dans la salle à manger.
3) Antoine récupère l'anneau et le passe au doigt du roi des elfes pas encore tout à fait mort qui ressuscite totalement. (shanti)

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Antoine récupère l'anneau et le passe au doigt du roi des elfes pas encore tout à fait mort qui ressuscite totalement.

Rassuré, pour ne pas dire soulagé, Antoine glisse un clin d'œil à ce beau roi revenu à la vie, lui faisant comprendre par ce signe qu'il vaut mieux, pour l'instant qu'il se fasse passer pour mort. Tandis que de son côté il ira gueuletonner avec son geôlier, l'elfe aura tout loisir de s'évader.
Mais le roi n'est pas un elfe pleutre, sitôt il est debout, fait face à Antoine, qui se sent, il faut bien l'avouer, un peu confus.
« Imbécile ! » lui décoche Aranruth, titre que l'on pourrait traduire littéralement par « La Colère du Roi » et prestement il arrache le sabre des mains de ce moins que rien.
Au son de cette voix, le monstre se retourne, il n'en croit pas son œil. Oui ce monstre, tout de muscles saillants, est un descendant des Cyclopes.
Il ressent une puissante haine à l'égard de ces êtres abjects, les elfes, êtres les plus répugnants que toute la création ait jamais portés. Ces elfes lumineux l'aveuglent lui qui aime les ténèbres, l'étourdissent de leur voix fluette, leur odeur même le répugne. Ivre de colère il s'élance vers cette créature abominable. Antoine tente vivement de s'éloigner de ce qui s'annonce être une belle bagarre. Mais emprunté dans son armure à laquelle il ne s'est pas encore habitué, il s'étale et poursuit sa chute en tourneboulé dans l'escalier. Ainsi propulsé de marche en marche il atteint de plein fouet Dronte, le monstre, qui a son tour perd l'équilibre et dévale sur le dos le reste des marches.
Imaginez un peu le vacarme que provoque cette double chute !
Ce chambard attire les deux compagnons d'infortune d'Antoine, qui jusque là étaient restés bien à l'abri. Mais, à la stupéfaction générale, ce tapage est aussitôt suivi d'un rire cristallin, et ils découvrent, plié en deux, Aranruth qui rit à en pleurer :
« l'imbécile, l'im-bé-ci-le ».
Les deux autres s'approchent, comprennent ce qu'il vient de se produire, et à leur tour (le caractère elfique étant plutôt enjoué) éclatent d'un rire clair comme l'eau d'une cascade.
C'en est trop pour Dronte, qui d'un coup de pied se débarrasse de l'encombrant Antoine, et remonte l'escalier tel un bulldozer. Il fonce sur ces maudites créatures, qui bien vivement, sont stoppées dans leur hilarité. Les deux courageux compères se placent derrière Aranruth, brandissant son arme. Il lui faudrait atteindre l'œil du Cyclope, mais celui-ci faisant le double de sa taille, cette prouesse lui est impossible. Il vise alors son flanc mais ne parvient qu'à sectionner la ceinture de son pantalon qui tombe tout de go laissant apparaître un slip de coton blanc imprimé de jolis petits cœurs roses. C'est au tour d'Antoine de rire et de se moquer. Dronte se retourne vers l'impudent, il n'a pas l'habitude que l'on se moque ainsi de lui, mais les elfes non plus n'aiment pas être traînés dans le ridicule, et se sentent également blessés.
Dronte finit d'ôter son falzar et c'est sans se concerter aucunement, que suivi des trois elfes il fond sur Antoine.
L'homme n'écoute que son courage et dans un « sauve qui peut » court au plus vite vers une éventuelle sortie, contourne la table dressée, qui, il le constate au passage, présageait d'un délicieux festin. Mais pas de porte en vue, il fait alors volte-face et s'engouffre sous la table. Dronte tout proche et bien décidé à en finir avec ce zouave, se glisse à son tour sous le meuble, mais il n'a pas réfléchi au volume que représente son corps, et bien vite se retrouve coincé. A la vue de ce postérieur offert les elfes farceurs s'en donnent à cœur joie, et d'un pied agile lui percutent l'arrière-train.
« MAUDITS ELFES, MAUDIT HOMME, MAUDITE TABLE !!!» s'écrie Dronte rouge de rage, il n'en peut plus, il va éclater, sa force, sous la fureur qui le submerge, va bientôt faire voler en éclats cette table scélérate.
Mais Antoine qui a atteint l'autre bout ne tient pas à voir cette créature en fureur, très peu pour lui. Il court à perdre haleine vers la sortie, refait le parcours en sens inverse, impatient d'être à l'air libre. Les elfes dans leur sagesse légendaire, ont eu aussi pris le chemin du départ.

3 possibilités :

1) Antoine est enfin à l'extérieur, il se rue sur un des dromadaires-tamanoirs. Mais à sa stupéfaction celui-ci ne bouge pas. Il lui faut pour se mouvoir être accompagné d'elfes. Et pour l'instant Antoine est seul.
2) Les elfes ont suivi le même raisonnement qu'Antoine, mais au moment où ils s'approchent de la liberté, la lourde porte de bois se referme les faisant prisonniers de cet affreux domaine.
3) Le bois a cédé sous la colère de Dronte et la table vole en éclats. C'est un Dronte rugissant et écumant qui se redresse et de son pas lourd engage une poursuite dans les interminables couloirs de sa citadelle. Bientôt il dépasse sans même les voir, les trois elfes interloqués. C'est à présent à Antoine qu'il en veut et à lui seul. Pire qu'un elfe cet animal est devenu l'homme à abattre ! michel

Le bois a cédé sous la colère de Dronte et la table vole en éclats. C'est un Dronte rugissant et écumant qui se redresse et de son pas lourd engage une poursuite dans les interminables couloirs de sa citadelle. Bientôt il dépasse sans même les voir, les trois elfes interloqués. C'est à présent à Antoine qu'il en veut et à lui seul. Pire qu'un elfe cet animal est devenu l'homme à abattre !

— Tudieu et palsembleu !
Le Dronte n'est pas dans un bon jour. Il écume de colère et, de grosses échardes fichées dans la couenne qu'il a pourtant épaisse et solide, il arpente les couloirs, les pièces et les escaliers de son château à la recherche du misérable homme qu'il compte bien broyer, démantibuler, écharper, écraser et écarteler. Il fulmine, le Dronte. Il saccage tout sur son passage. Les portes volent en éclat, les meubles explosent sous ses coups, les murs se lézardent à chaque coup de poing rageur. Les cris assassins se font entendre à cent lieues à la ronde et, dans les campagnes, les mères serrent les enfants contre leur poitrine en tremblant de peur.
Dehors, les elfes assistent à ce spectacle paisiblement. Ils ont sorti un jeu de cartes et ont commencé une partie. On a aussi ouvert les paris. Qui de Antoine ou du Dronte allait sortir vainqueur de cette aventure épique ? Antoine est vraiment bête et pas dégourdi mais le Dronte n'est pas bien intelligent non plus. Si le Dronte est indubitablement doté d'une force supérieure, Antoine peut compter sur sa lâcheté qui lui fera éviter la confrontation et titillera peut-être un peu son intelligence.
Au moment où Aranruth coupe à cœur et remporte le pli, le Dronte vient de démolir le toit de la tour nord. Les poutres s'envolent dans un nuage de tuiles fracassées qui s'écrasent au sol dans un fracas poussiéreux.
— Dix écus sur l'homme, dit Pirketou
— Tenus, lui répond Mieukeriun
— Et pique ! Jubile Aranruth qui emporte le pli une fois de plus.
Les murs d'enceinte de la citadelle sont en train de vaciller et les trois elfes décident de poursuivre la partie un peu à l'écart.
Cela fait maintenant trois heures que le Dronte détruit méthodiquement son château. Il commence à fatiguer. D'autant plus qu'il a raté son déjeuner. Du haut du donjon qui fait penser à un chicot ébréché planté dans une mâchoire dévastée, il crie au monde entier son désarroi et sa colère. Il en arrive à appeler Antoine à la raison. Qu'il se rende et que l'on en finisse une fois pour toute. Il promet de l'occire proprement et rapidement. Il ne souffrira pas, c'est juré. Et la fureur reprend de plus belle, les escaliers sont dévalés, les pierres sont concassées. C'est comme une tornade qui se serait emparée du domaine du monstre géant et qui détruirait tout sur son passage. Tout à sa colère, le Dronte ne s'est pas encore rendu compte de l'absurdité de ses actes. Il va lui falloir du temps et de l'argent pour rebâtir son château. La colère est mauvaise conseillère et les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
Pendant ce temps, Antoine a écouté sa couardise et, la peur au ventre, il s'est caché dans les toilettes. Son raisonnement tient la route. Il s'est dit qu'un monstre vraiment très en colère ne devait même pas penser à aller faire pipi ou caca. Les toilettes du monstre ont dérouté Antoine par leur taille, dans un premier temps. Il est resté méditatif face à l'importance du trou avant d'admettre qu'il fallait au moins ça. De fait, il n'avait jamais vu de toilettes « à la turc » aussi impressionnantes. Aussi sales et malodorantes non plus mais il ne pouvait pas non plus écarter totalement que ce qu'il avait déposé au fond de sa culotte au plus fort de sa trouille n'était pour rien dans cette pestilence nauséabonde.
Quoi qu'il en soit, si la cachette avait été efficace jusque là, elle commençait à donner de l'inquiétude à Antoine. Les murs couverts d'un ravissant carrelage à motif floral jusqu'à mi-hauteur se fissuraient sérieusement et laissaient penser qu'ils ne parviendraient plus longtemps à cacher sa présence au Dronte. Il n'y avait guère qu'une solution pour s'échapper tout à fait et cela ne réjouissait pas Antoine. Comme le pas lourd du monstre s'approchait, il fit contre mauvaise fortune bon cœur et, se bouchant le nez, il se laissa tomber dans le trou des latrines. Il dévala les tuyauteries comme un enfant s'amuse d'un tobogan et atterrit à l'extérieur de l'enceinte de la forteresse, presque aux pieds des elfes qui rangèrent les cartes et se levèrent.
— Tu me dois 30 écus !
— Vous voilà enfin, Antoine ! Mais dans quel état ! Bon... En selle, on file de là. Mais restez en arrière, bien loin de nous, rapport à l'odeur, déclara Aranruth en tordant le nez. En route !    

3 propositions :
1/ Le monstre enfourche sa monture, un dragon ailé, et pars à la poursuite de Antoine. shanti
2/ Sur le chemin du retour, le dromadaire d'Antoine tombe en panne. Antoine doit rester sur place dans l'attente des secours.
3/ Arrivés à une oasis, Antoine se dit qu'il va pouvoir enfin boire et manger.
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Le monstre enfourche sa monture, un dragon ailé, et pars à la poursuite de Antoine.

Antoine, a dû, pour se faire accepter de son tamanoir tant son odeur est repoussante, lui offrir une barre chocolatée tirée de son paquetage. Le voici enfin qui s'envole, il était temps, car Dronte décolle de la seule tour encore debout après le désastre causé par cette poursuite infernale et la fureur du monstre.
Boosté par les vitamines qu'il vient d'ingurgiter, le tamanoir fend l'air tant et si bien qu'Antoine doit s'accrocher désespérément à sa crinière pour ne pas être désarçonné.
Le dragon de Dronte, n'est pas loin, déjà il sort son artillerie, gonflement des joues, expulsion de gaz, projection de lames de feu, glaires calcinées concrétisées en scories incandescentes.
« Aïe ! Ouille ! »
Antoine esquive quelques uns de ces projectiles, quand soudain une forte odeur de roussi atteint ses narines. Un coup d'œil vers l'arrière … et oui ! c'est bien cela, la queue du tamanoir vient de s'embraser.
La pauvre bête hurle de douleur et chute en piqué, Antoine cramponné, voit sa fin proche, mais les dieux l'accompagnent … en contrebas il aperçoit une oasis dans laquelle plonge sans hésiter sa monture affolée.
« Psssch ! » l'effet est immédiat et le résultats à double effet. « Deux en un » pense Antoine dont la société de consommation a imprégnée son cerveau « Extinction du feu et décrottage instantané ! ». Mais cette plongée provoque également un décuplement de la colère de Dronte, qui bien entendu n'a pu poursuivre sa proie.
Le dragon qu'il chevauche est un spécimen lourd, adapté à la corpulence de son cavalier, les manœuvres de ce fait sont plutôt lentes, et il faut un temps à Dronte pour faire faire demi-tour à son dragon ailé.
De leurs côtés Antoine et son tamanoir émergent promptement, repartent en vol, prenant de l'avance sur leurs poursuivants et filent, cherchant à rattraper les elfes peu soucieux de venir en aide au malheureux infortuné. Après tout, c'est Antoine et lui seul qui a provoqué la fureur de Dronte, s'il s'était laissé prendre tout ceci ne serait arrivé. D'ailleurs les trois compères ont atteint un point culminant, sur un des éperons rocheux que forment la chaîne de l'Oudaï, applaudissent lors de la plongée dans les eaux claires de la nappe d'eau salvatrice, et suivant d'un œil la progression de Dronte, encouragent Antoine dans la poursuite qui reprend de plus belle.
Ils sont au spectacle, les elfes, rien ne peut leur faire davantage plaisir, ça n'est pas si souvent qu'un tel drame se joue en direct, et il faut bien le reconnaître, les comédiens sont excellents dans leurs rôles !
Mais tandis que certains s'amusent, d'autres ne rigolent pas, mais alors pas du tout. Le dragon est bien calé derrière son ennemi, il a repris ses tirs en rafale, et le pauvre tamanoir a beau zigzaguer, il faut bien reconnaître qu'il a chaud aux fesses ! Malgré tout il s'approche rapidement de la chaîne montagneuse, où les elfes s'amusent. Mais notre tamanoir, n'a rien d'un animal ordinaire, vous vous en doutez bien, et dans un « Sauve qui peut » atteint la vitesse d'un supersonique, sa vision s'adapte alors à la situation. Son écran-radar lui dévoile une trouée entre deux à-pics et sans une hésitation aucune, s'y engouffre, au grand désarroi d'Antoine qui, courage oblige, ferme les yeux pour ne pas voir la catastrophe dont il sera le héros à titre posthume.
Le dragon ailé a lui aussi mis les gaz, il n'est plus qu'à quelques mètres de sa victime, et tandis que cette dernière s'introduit dans le goulet, Dronte et sa monture, dont la masse est trois fois supérieure à celle de sa proie, viennent s'écraser lourdement contre la paroi rocheuse. C'est alors un mini séisme qui secoue l'ensemble de la chaîne et fait choir les trois elfes rigolards.

3 possibilités :

1 – C'en est fini de Dronte qui n'est plus que chairs éparpillées. Son dragon ne vaut guère mieux. La malédiction de Dronte semble s'achever là.
2 – Les elfes se voient déjà morts. Mais apparaît dans le ciel l'Aigle Royal envoyé en éclaireur par Ahila, inquiète et tremblant de peur sur le devenir de son héros et de ses congénères.
3 – Antoine continue son évolution au sein de la montagne. Le tamanoir n'a pas quitté son mode « supersonique » et le paysage défile à la vitesse de 1 224 kms/heure. Ils arrivent bientôt dans un monde totalement étrange.